5 avril 2010

Chronique d'une violence follement juvénile

Et dire que ce matin, sous la douche, je me demandais quel serait mon prochain billet sur ce fabuleux site. Un article sur Twitter et le journalisme ? Une analyse sur l'iPad ? Une critique cinéma ? Bof, tout ça a déjà été fait et refait.
Je me demandais ça jusqu'à ce que la vie, la vraie, me rattrape. Vous savez, la vie, celle qui parfois peut vous surprendre et vous sortir de votre Geek Mag ou de votre iPod. Cette vie qui peut vous étonner par sa violence. Cette vie qui peut vous assommer comme un kick en pleine face. Enfin, la vie quoi.

J'ai pas envie de me lamenter sur mon sort, juste d'exorciser le truc, de le sortir une bonne foi pour toute pour pouvoir dormir sereinement. Et je veux encore moins que ce billet soit repris afin d'en tirer quoique ce soit.

20h45, je quitte difficilement le foyer familial et la retransmission des Tontons flingueurs pour aller au cinéma. Voir Dragons, a priori. Comme toujours, casque vissé sur les oreilles et, exceptionnellement, Geek le mag' dans la besace pour passer le temps. Mes podcasts sont à jours donc je m'occupe comme je peux.

Maisons-Alfort Stade (ligne 8), je m'installe dans les fauteuils centraux pour être bien à l'aise et pouvoir poser mes pieds sur les fauteuils d'en face. Comme d'habitude. C'est dimanche soir, le métro est vide en direction de Paris. Comme d'habitude.

Arrivé à Liberté, 8 gars rentrent dans la rame. Ils s'installent à côté de moi alors que la rame les accueille les bras ouverts. Je sens le truc louche, je range donc mon magazine. Faudrait pas l'abimer non plus, je l'ai pas encore terminé.
Après quelques secondes, l'un d'eux semble vouloir me parler. Je retire donc mon casque pour qu'il puisse répéter sa question.

"Putain arrête de me regarder !"

Ok, très bien, je baisse les yeux. Pas apeuré, juste que dans un tel cas, je préfère m'écraser.

"Oh connard j'te parle !"

Bon, je demande si j'peux lui être d'une quelconque utilité : "j'peux t'aider ?"

"Eh mais il me parle en plus ! Ferme ta gueule !"

Mouais, bon. Un individu apparemment dénué de toute logique. L'ignorer simplement. Le mec s'approche de moi. Difficile de l'ignorer dorénavant. Il voit mon casque audio.

"T'as un iPhone ?"

Moi, un iPhone ? Et mon cul, c'est du poulet ? Passons sur cette faute de gout affligeante.

"Vas-y il est classe ton casque, tu me le files ?"

Toujours pas non.
A ma grande surprise, il ne s'y accroche pas, laisse tomber. Et ne demande pas à quoi mon casque est relié si ce n'est pas à un iPhone. Il ne demande pas à voir mon portable ou mon iPod. 400 euros à eux deux.
Non, manifestement il veut autre chose.

Et c'est là que j'ai compris.
Ou plutôt non, que je n'ai plus rien compris.

Peut être quelques insultes, et puis des coups.
De pieds, de poings.
En prenant appui sur les sièges alentours.
8 paires de pieds et de mains s'abattant contre mon visage et mon torse.
Ca n'a pas dû durer très longtemps pourtant.
C'était intense, passionnel, on a partagé un vrai truc tous les 9.
A un moment, dans un élan de lucidité, j'ai songé à relevé mes bras vers mon visage, comme pour parer les coups. J'ai finalement retenu quelques bases de mes cours de boxe française du collège.
Ce mouvement m'a permis de voir le reste du wagon. Entre temps il s'est rempli. Un autre groupe de jeune discute plus loin mais n'ose pas intervenir.
Des coups de pied dans le visage, des coups des poing contre les lèvres.
Pourtant, je reste asssis, immobile, comme éteint.

Et là j'entends une voix : "Non, putain les mecs laissez-le c'est pas cool".
"Pas cool", c'est pas non plus le terme que j'utiliserais si je devais raconter l'histoire sur mon blog, mais ça me va. Le mec les a distrait. Mon cerveau s'est rallumé et mes sens se sont réveillés. J'entends alors la sonnerie de la fermeture des portes. La fermeture ! Pas encore passer un autre voyage avec eux. Vite ! J'écarte les portes avec tout ce qu'il me reste de force.
Les gars sont restés à l'intérieur. L'un me crie "Eh, on t'a pas agressé hein !"

Ahahahahahahahah !

Et mon cul connard ?

Je crache du sang. Je sens mes lèvres déchirées. Ma migraine a empiré entre temps.

Et s'il m'attendaient ? Je ne peux décemment pas attendre la prochaine rame. Ce sera Vélib' jusqu'à Bercy 2. Parce que oui, j'ai pas fait le trajet pour rien, je vais le voir ce film.

"Eh, on t'a pas agressé hein !"
C'est pas ce qu'il m'a semblé pourtant. En sortant, je vois quelqu'un au guichet. La dame de la RATP est très aimable, me propose quelques soins, prends la signalisation des gars. "7 à 8 mecs, tous en jogging".
"Quelle origines ?" La question m'étonne un peu ...
"Vraiment de toutes" Ma réponse l'étonne aussi.
Je continue la description "... à vue d'oeil, moyenne d'âge entre 12 et 14 ans".


Ah, je vous avais pas dit ? Ils avaient grosso modo 13 ans. Ouais je sais. C'est essentiellement ça qui m'a causé un choc. Ca et la violence gratuite.

13 ans ...

Agressé par 8 gosses de 13 ans ...

Ca calme.
J'enfourche mon vélib', j'arrive à l'heure à ma séance. Dragons est un film génial (finalement ce billet aura un reflet de critique ciné). Du moins assez bon pour me faire plus ou moins oublier cette histoire pendant 1h30 et même me faire rire, c'est dire.

Le retour : métro ou vélib' ?
Je choisis la voie de la raison, y a pas de vélib' à Maisons-Alfort. Ce sera donc métro.
Durant le trajet, je choisis d'exorciser le truc : je raconte ça sur Twitter. J'essaie de me donner un genre en y foutant un peu de cynisme : "Tabassé dans le métro il y a deux heures. J'aurais du penser au livetweet, ca m'aurait fait gagner quelques followers."

Et là, c'est un dizaine de commentaires qui viennent s'informer de mon état, savoir où et comment ça s'est passé, pourquoi et surtout, si je vais bien. On me conseille de porter plainte. Ca va de soi.
On ne mesurera jamais assez l'influence de Twitter sur le moral. Son aspect compassionnel et le lien que différents utilisateurs peuvent créer entre eux. Voilà, j'arrive quand même à faire un lien entre ça et Twitter.


Finalement je m'en sors indemne, rien de volé, rien de cassé si ce n'est mes lèvres. Au moins elles sont pulpeuses là. Asymétriques, mais pulpeuses. Il ne reste que le souvenir choquant de cette violence.
Cette violence aveugle, folle et juvénile.

18 commentaires:

  1. Bah tu le cherches aussi :

    - T'es à Paris
    - T'es seul
    - T'es blanc (boooh le sale raciste)
    - Tu prends le métro la nuit
    - Tu as un iPhone + un iPod + un casque

    C'est malheureux mais c'est comme ça. En revanche, rassure-toi, ils se sont bien amusés et attendant le prochain gogo à tabasser.
    Porte plainte, je suis sûr que la police va faire une enquête approfondie et qu'ils les foutront en tôle quelques mois... OU PAS.

    Tout mon soutient pourtant...

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  2. Durant 8 ans que je prends le métro à Paris, c'est la première fois que je me fais agresser. Et j'ai otujours été à Paris durant cette période.
    A fortiori, j'ai toujours été blanc.
    Je vais pas me balader avec une escorte dès que je vais au cinéma, faut pas déconner.
    Le métro la nuit a un charme inégalable.
    J'ai un iPod et un casque (comme tout le monde), et justement pas d'iPhone.

    Je ne me plains pas, mais le "tu le cherches", même au second degré, me parait plutôt déplacé.

    Et pour porter plainte, c'est ce qui me reste de ma formation juridique initiale : si tu portes même pas plainte, là ouais y a aucune chance de les empêcher d'emmerder quelqu'un d'autre, c'est mathématique.

    Merci tout de même de ton soutien.

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  3. Salut,

    On se connait pas mais j'ai vu ce qui t'étais arrivé grâce à twitter (on suit plusieurs mêmes personnes )

    Je t'apporte tout mon soutien .

    Moi ma soeur de 19 ans s'est faite braquée il y a 3 mois alors qu'elle sortait de la gare de nantes .

    Juste une bande de kéké en voiture qui trouvent cela intelligent de montrer un flingue par les vitres de leur voiture et de viser les gens avec .

    Manque de bol , ma soeur ayant été tétanisée n'a ni noté le type de la voiture, ni la plaque .

    Associé à plusieurs agressions autour de sa cité universitaire maintenant elle ne sort qu'avec une bombe anti-agression et sa copine avec un couteau .


    Bon courage à toi , j'espère que t'as quand même trouvé le sommeil cette nuit

    @+

    jonath666

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  4. Je tombe sur ton article au réveil et que dire ... J'espère que tu vas bien du moins mieux, outre la violence physique j'espère que tu sauras oublie en partie cette douloureuse soirée. Il m'est arrivée la même il y a 6 ans de cela et hier je me suis retrouve dans ce qui semblait être la même rame a la même station et cela reste un douloureux souvenir. J'espère seulement qu'il n'en sera pas de même. Je ne sais pas ce qui est le plus brutal se faire cogner dessus gratuitement ou constater son espèce ignorer une telle fureur ...

    C'est pas cool ou ... Carrément triste.
    Take care

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  5. Ce qui est surtout navrant c'est de ce rendre compte que personne ne bouge jamais le petit doigt.

    Heureusement tu t'en sors pas trop mal.
    Ceci dis joyeuses Pâques malgré tout

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  6. Ce que je comprends pas c'est pourquoi tu te laisses faire ? Surtout par des gamins de 13ans ! Ok ils sont 8, mais t'inquiète t'en prends un, tu lui démonte la tête devant ses copines et ils arrêtent de faire chier leurs monde. En tout cas, vas porter plainte ouais, on sais jamais. et puis la prochaine fois, laisse pas passer sa !

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  7. Parce que 8x4 = 32. 32 membres qui s'abattent en même temps sur ton visage, pieds et poings, tu cherches avant tout à te protéger le visage avant même de te défendre.
    J'en attaque un, il me reste 28 pieds et poings à parer.

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  8. Bizarre quand même ces 2 personnes qui te demandent pourquoi tu n'as rien fait et qui te dise que tu cherches .

    J'hallucine un peu en voyant des conneries comme ça .

    Perso je trouve ça un peu facile de théoriser et de dire qu'il fallait leur rentrer dans le lard . A moins d'être ceinture noire de jujitsu je pense pas que je m'y risquerais avec 8 personnes peu importe leur âge .

    De mon côté j'aurai fait comme toi , sauf que moi j'aurais même pas eu le courage d'aller au cinoche et en plus d'apprécier le film ...

    Sur ce , j'espère que les flics les retrouveront .

    Bon stage ...

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  9. @ Jonath666 Tout à fait. Et même ceinture noire, je suis pas sûr que t'aies le cerveau apte à réagir.
    Mais bon, ça part d'un bon sentiment, je crois ...Et merci pour le stage ;-)

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  10. Bonsoir,
    Je suis l'"Anonyme" du premier message.

    Oui c'était du second degré et oui c'était con. Je m'en excuse. Le sujet me touche énormément.
    Contrairement à ce que disent certains, tu as bien fait de ne pas réagir plus. Même si tu en éclatais un, tu excites encore plus les autres. Et puis c'est tellement simple de ramasser un couteau dans le tiroir de la cuisine. Toi et moi on ne le fait pas, crois moi, eux il l'ont fait et en on un dans la poche. Si tu prends le dessus, t'y passes. C'est tout.

    Porte plainte tu as raison, mais même si la police se mettait vraiment à les chercher et a les retrouver, que fait-on de gamins de 13 ans ? Bah rien... je ne pense même pas qu'il y ait d'arrestation. Les flics le savent et ne chercheront même pas.
    J'espère me tromper.

    J'espère que le morale a repris le dessus.

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  11. Je t'en prie. J'étais pas super apte à saisir le second degré hier soir.
    Concernant l'absence de réaction, c'est même pas un choix volontaire, c'est que mon cerveau s'est éteint pendant toute la durée de l'agression (durée que je serai incapable de mesure, 10 secondes, 3 minutes, j'en sais rien du tout). Mes muscles étaient tous contractées pour amortir les coups.
    Pour la plainte, aujourd'hui le commissariat était en sous effectif et personne ne pouvait m'accueillir, je réessaierai demain dans la soirée. D'après l'agent à l'entrée, ils les rechercheront quand même puisque ça leur permettra d'obtenir plus d'effectif et d'être donc plus efficaces.

    Merci pour ta correction en tout cas =).

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  12. Bienvenue dans le mone reel, Neo.
    J'suis desole pour toi, mais ce genre de choses, ca arrive. Souvent.

    -Ulysses

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  13. Il ne me semblait pourtant pas avoir dit le contraire. Et même avoir précisé que ce texte n'était pas un scoop mais avait pour seule ambition de me permettre d'exorciser le choc.
    Mais soit, merci à toi pour cette précision.

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  14. J'avais cliqué sur cet article au moment de sa parution dans mon google reader et ce n'est que aujourd'hui que je le lis. Je ne m'attendais pas du tout à ça! Ca m'a laissé de marbre.
    En tout cas moi aussi j'aurais fais pareil, je me serais protégé. Par contre je sais pas si j'aurais eu le courage d'aller quand même au ciné. A mon avis je serais resté tetanisé sur place pendant plusieurs minutes en tremblant de partout.
    J'espère que tu vas bien et que tu as reussi à t"en remettre, j'imagine que le fais de l'écrire a deja bien du t'aider!

    Cordialement,
    Antoine

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  15. Le fait de l'écrire m'a surtout permis de prendre du recul à peine quelques heures après l'avoir vécu.

    Le fait de chercher ses mots et d'essayer, l'air de rien, d'en plaisanter, ça m'a évité de le ressasser des heures durant sans en parler à personne.
    Et puis c'est beaucoup plus simple de le coucher par écrit avec deux trois figures de style que le raconter à l'oral avec la voix tremblante.


    Merci de t'inquiéter sinon, ça va effectivement mieux. Je suis passé chez le médecin et retourné au commissariat aujourd'hui, ça avance doucement mais (très) sûrement.

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  16. Tout le monde n'a pas ta "chance" :
    http://lci.tf1.fr/france/faits-divers/2010-04/lynche-par-une-quinzaine-d-agresseurs-a-la-sortie-du-tram-5805212.html

    Donc maintenant entre 10 et 15 ans on est dehors la nuit en bande armée de couteau et c'est normal...
    Par défaut, un groupe de gamin la nuit, il y a de grande chance pour que ce ne soit pas des scouts.

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  17. Salut, je suis tombé sur ton article par hasard via twitter.
    Il m'est arrivé une histoire comme ça il y a 2 ans en plein centre ville de Nantes. Faut avouer que j'étais seul et qu'il était 4h du matin, un mardi... Je marchais dans une rue vide pour rentrer chez moi, et 4 types à 100m derrière moi m'ont lancé des appels "Eh oh!!" puis m'ont coursé, sans rien demander.
    Ils ont réussi à m'encercler, me mettre au sol et me frapper une fois, au visage. Je me suis enfuis juste après, vers une place où l'embuscade serait impossible.
    Résultat : 1 porte clé cassé, un short déchiré, et une petite bosse. Plus de peur que de mal !

    Cela-dit, en parlant de peur, j'ai remarqué que tu a parlé de ton cerveau qui s'est "éteint", j'ai ressenti la même chose. Pendant la minute de l’agression, je ne pouvais pas avoir peur, j'avais l'esprit concentré sur un seul but : fuir ! Ce n'est qu'après coup que la frayeur m'est parvenu, et j'en tremble quand j'y repense.

    Depuis, j'évite de sortir seul la nuit. Les fois où ça arrive, j'évite aux les petites rues. Il faut toujours aller là où il est possible de croiser des passants ou des voitures (ce qui me fait penser qu'après mon agression, une voiture a failli m'écraser dans ma rue en roulant comme une folle...) enfin bref, être conscient qu'il y a des gens qu'on ne peut pas comprendre.

    A.R.

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  18. C'était sûrement ça le plus grand choc finalement ouais, réaliser qu'il y a des choses, des gens, que je ne comprendrai jamais.

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