Et dire que ce matin, sous la douche, je me demandais quel serait mon prochain billet sur ce fabuleux site. Un article sur Twitter et le journalisme ? Une analyse sur l'iPad ? Une critique cinéma ? Bof, tout ça a déjà été fait et refait.
Je me demandais ça jusqu'à ce que la vie, la vraie, me rattrape. Vous savez, la vie, celle qui parfois peut vous surprendre et vous sortir de votre Geek Mag ou de votre iPod. Cette vie qui peut vous étonner par sa violence. Cette vie qui peut vous assommer comme un kick en pleine face. Enfin, la vie quoi.
J'ai pas envie de me lamenter sur mon sort, juste d'exorciser le truc, de le sortir une bonne foi pour toute pour pouvoir dormir sereinement. Et je veux encore moins que ce billet soit repris afin d'en tirer quoique ce soit.
20h45, je quitte difficilement le foyer familial et la retransmission des Tontons flingueurs pour aller au cinéma. Voir Dragons, a priori. Comme toujours, casque vissé sur les oreilles et, exceptionnellement, Geek le mag' dans la besace pour passer le temps. Mes podcasts sont à jours donc je m'occupe comme je peux.
Maisons-Alfort Stade (ligne 8), je m'installe dans les fauteuils centraux pour être bien à l'aise et pouvoir poser mes pieds sur les fauteuils d'en face. Comme d'habitude. C'est dimanche soir, le métro est vide en direction de Paris. Comme d'habitude.
Arrivé à Liberté, 8 gars rentrent dans la rame. Ils s'installent à côté de moi alors que la rame les accueille les bras ouverts. Je sens le truc louche, je range donc mon magazine. Faudrait pas l'abimer non plus, je l'ai pas encore terminé.
Après quelques secondes, l'un d'eux semble vouloir me parler. Je retire donc mon casque pour qu'il puisse répéter sa question.
"Putain arrête de me regarder !"
Ok, très bien, je baisse les yeux. Pas apeuré, juste que dans un tel cas, je préfère m'écraser.
"Oh connard j'te parle !"
Bon, je demande si j'peux lui être d'une quelconque utilité : "j'peux t'aider ?"
"Eh mais il me parle en plus ! Ferme ta gueule !"
Mouais, bon. Un individu apparemment dénué de toute logique. L'ignorer simplement. Le mec s'approche de moi. Difficile de l'ignorer dorénavant. Il voit mon casque audio.
"T'as un iPhone ?"
Moi, un iPhone ? Et mon cul, c'est du poulet ? Passons sur cette faute de gout affligeante.
"Vas-y il est classe ton casque, tu me le files ?"
Toujours pas non.
A ma grande surprise, il ne s'y accroche pas, laisse tomber. Et ne demande pas à quoi mon casque est relié si ce n'est pas à un iPhone. Il ne demande pas à voir mon portable ou mon iPod. 400 euros à eux deux.
Non, manifestement il veut autre chose.
Et c'est là que j'ai compris.
Ou plutôt non, que je n'ai plus rien compris.
Peut être quelques insultes, et puis des coups.
De pieds, de poings.
En prenant appui sur les sièges alentours.
8 paires de pieds et de mains s'abattant contre mon visage et mon torse.
Ca n'a pas dû durer très longtemps pourtant.
C'était intense, passionnel, on a partagé un vrai truc tous les 9.
A un moment, dans un élan de lucidité, j'ai songé à relevé mes bras vers mon visage, comme pour parer les coups. J'ai finalement retenu quelques bases de mes cours de boxe française du collège.
Ce mouvement m'a permis de voir le reste du wagon. Entre temps il s'est rempli. Un autre groupe de jeune discute plus loin mais n'ose pas intervenir.
Des coups de pied dans le visage, des coups des poing contre les lèvres.
Pourtant, je reste asssis, immobile, comme éteint.
Et là j'entends une voix : "Non, putain les mecs laissez-le c'est pas cool".
"Pas cool", c'est pas non plus le terme que j'utiliserais si je devais raconter l'histoire sur mon blog, mais ça me va. Le mec les a distrait. Mon cerveau s'est rallumé et mes sens se sont réveillés. J'entends alors la sonnerie de la fermeture des portes. La fermeture ! Pas encore passer un autre voyage avec eux. Vite ! J'écarte les portes avec tout ce qu'il me reste de force.
Les gars sont restés à l'intérieur. L'un me crie "Eh, on t'a pas agressé hein !"
Ahahahahahahahah !
Et mon cul connard ?
Je crache du sang. Je sens mes lèvres déchirées. Ma migraine a empiré entre temps.
Et s'il m'attendaient ? Je ne peux décemment pas attendre la prochaine rame. Ce sera Vélib' jusqu'à Bercy 2. Parce que oui, j'ai pas fait le trajet pour rien, je vais le voir ce film.
"Eh, on t'a pas agressé hein !"
C'est pas ce qu'il m'a semblé pourtant. En sortant, je vois quelqu'un au guichet. La dame de la RATP est très aimable, me propose quelques soins, prends la signalisation des gars. "7 à 8 mecs, tous en jogging".
"Quelle origines ?" La question m'étonne un peu ...
"Vraiment de toutes" Ma réponse l'étonne aussi.
Je continue la description "... à vue d'oeil, moyenne d'âge entre 12 et 14 ans".
Ah, je vous avais pas dit ? Ils avaient grosso modo 13 ans. Ouais je sais. C'est essentiellement ça qui m'a causé un choc. Ca et la violence gratuite.
13 ans ...
Agressé par 8 gosses de 13 ans ...
Ca calme.
J'enfourche mon vélib', j'arrive à l'heure à ma séance. Dragons est un film génial (finalement ce billet aura un reflet de critique ciné). Du moins assez bon pour me faire plus ou moins oublier cette histoire pendant 1h30 et même me faire rire, c'est dire.
Le retour : métro ou vélib' ?
Je choisis la voie de la raison, y a pas de vélib' à Maisons-Alfort. Ce sera donc métro.
Durant le trajet, je choisis d'exorciser le truc : je raconte ça sur Twitter. J'essaie de me donner un genre en y foutant un peu de cynisme : "
Tabassé dans le métro il y a deux heures. J'aurais du penser au livetweet, ca m'aurait fait gagner quelques followers."
Et là, c'est un dizaine de commentaires qui viennent s'informer de mon état, savoir où et comment ça s'est passé, pourquoi et surtout, si je vais bien. On me conseille de porter plainte. Ca va de soi.
On ne mesurera jamais assez l'influence de Twitter sur le moral. Son aspect compassionnel et le lien que différents utilisateurs peuvent créer entre eux. Voilà, j'arrive quand même à faire un lien entre ça et Twitter.
Finalement je m'en sors indemne, rien de volé, rien de cassé si ce n'est mes lèvres. Au moins elles sont pulpeuses là. Asymétriques, mais pulpeuses. Il ne reste que le souvenir choquant de cette violence.
Cette violence aveugle, folle et juvénile.